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A coté des laboureurs il y a à Bertangles un meunier, il fait partie dans le monde rural de l'Ancien Régime, d'une catégorie à part, il loue le moulin au château car seuls les nobles sont autorisés à posséder un moulin, le meunier est un intermédiaire indispensable entre la production céréalière et la consommation alimentaire, il jouit ainsi d'un certain privilège. Le moulin de Bertangles était, bien entendu, à vent, et se trouvait au point le plus élevé du chemin de Montonvillers (actuellement rue du moulin).

En respectant la hiérarchie, nous trouvons ensuite le curé qui occupe un poste très important dans la vie du village, celui de Bertangles est l'Abbé Hubert MANOT, il est en place depuis 1770. En dehors de son saint ministère, il est chargé, comme de nombreux prêtres de cette époque, de tenir en double exemplaire les registres des baptêmes, des mariages et sépultures ; il diffuse les ordonnances royales lors des offices du dimanche, il enseigne le catéchisme aux enfants et souvent, leurs apprend à lire. Ses revenues sont fort modestes et sont évalués en 1789 à 850 livres par an. Ils proviennent des casuels versés par ses paroissiens pour les actes de son ministère et de la dîme payée par l'évêché et le chapitre d'Amiens. Son presbytère se trouvait derrière l'église dans la rue neuve à l'emplacement actuel de la maison de M. Ferton. (actuelle rue de la Mairie).


Les événements du 14 juillet 1789 n'eurent aucun écho à Bertangles et la prise de la Bastille ne fut connue que plusieurs semaines après. Les mouvements parisiens ne bouleversèrent nullement la vie du village qui entretenait des relations sans conflit particulier avec le château. La famille de CLERMONT -TONNERRE qui possède la quasi - totalité des terres, vit sur place au milieu de la population locale et connaît les problèmes rencontrés par les laboureurs et cultivateurs. Ceux-ci n'ont apparemment pas de litiges graves avec leur seigneur qui les fait vivre et les aide à surmonter les difficultés causées par les calamités climatiques. Cela explique qu'il n'y eut à Bertangles aucun mouvement de révolte dans les premiers mois de la Révolution, révolte paysanne, qui déclencha le phénomène de " grande peur " dans certains villages de la région. Ici règnent calme et modération, progressivement la commune remplace la paroisse sans modifier les limites territoriales, un maire est élu en début d'année 1790 il s'agit d'un gros laboureur Louis CARETTE. Son élection est faite au suffrage censitaire limité aux seuls citoyens payant un impôt au moins égal à 3 journées de travail et avoir plus de 25 ans, ce sont les " citoyens actifs ", à Bertangles, ils sont 36. Seuls les paysans aisés obtiennent donc un rôle prépondérant dans la gestion des affaires publiques.

Bertangles a vécu cette époque troublée, comme la plupart des villages de la région, dans un climat de quiétude et de calme, contrastant avec l'effervescence vécue dans les centres urbains et principalement à Paris. A la veille de la Révolution la population du village a progressé et dépasse les 300 habitants, elle atteindra même les 331 en 1792 avec 81 feux c'est à dire l'ensemble des personnes vivant autour du même foyer (accroissement dû au solde positif des naissances sur les décès en raison principalement de la baisse de la mortalité infantile). Cette population se compose surtout de manouvriers, mi-cultivateur mi-tisserand qui habite une chaumière de torchis et ne possède qu'un jardin et quelque fois un petit champ. Son cheptel se limite à quelques poules, lapins et brebis se nourrissant sur les jachères et les chaumes, il n'a jamais de cheval et exceptionnellement une vache. Comme cultivateur il travaille pour un laboureur du village et comme tisserand pour un fabricant amiénois. Ses conditions de vie sont très dures et le travail pénible.

Au sommet de la pyramide sociale, voici la famille seigneuriale qui occupe le château. En 1789, elle se compose de Charles- Louis- Joseph de CLERMONT-TONNERRE et de son épouse Marie- Angélique née de LAMETH , de son fils aîné Charles- Louis- Nicolas et son épouse Victoire- Césarine née d'ESTOURNEL et leurs deux enfants Louis et Amédée- Marie. De nombreux domestiques travaillent au château. La presque totalité des terres et bois de Bertangles appartiennent à la famille de Clermont-Tonnerre soit 722 hectares sur les 818 du village les 96 autres hectares appartiennent au clergé dont 43 ha à l'Hôtel-Dieu d'Amiens et 46 ha au Chapitre de la Cathédrale. Il n'y avait pas de biens communaux à Bertangles.
Deux autres fils de Charles-Louis-Joseph résident en 1788 au château de Montonvillers propriété de la famille de leur mère.

Au printemps 1789, deux événements importants marqueront la vie du village :
la désignation des délégués aux Etats Généraux
Pour le Clergé l'
Abbé Manot se rend à l'assemblée générale du baillage d'Amiens afin de désigner au scrutin secret les 2 députés de son ordre qui seront Charles Fournier curé d'Heilly et Mgr de Machault évêque d'Amiens.
Pour la Noblesse, le Marquis
Charles- Louis- Joseph de CLERMONT-TONNERRE ne pouvant se déplacer compte tenu de son âge s'est fait représenter à l'assemblée du baillage.
Pour le Tiers Etat, deux  "députés électeurs " de Bertangles,
Noël Langlet et Jean Bernard seront appelés à désigner les 4 députés provinciaux qui assisteront aux Etats Généraux de Versailles, aucun de ceux-ci n'est originaire de Bertangles et aucun n'est laboureur- paysan ni artisan, professions qui, pourtant, composaient 85% de la population.


et la rédaction du cahier de doléances, suivant la tradition des Etats Généraux, les élections des députés s'accompagnaient de la rédaction des cahiers de doléances. Celui de Bertangles, comme dans la plupart des assemblées paroissiales, fut rédigé par une minorité d'habitants représentant " l'élite intellectuelle " en effet seulement 12 signatures d'intervenants figurent au bas de ce cahier.
A la première page les villageois bertanglois affichent d'abord une solide fidélité au roi Louis XVI en ces termes : " l'assemblée paroissiale de Bertangles, pleine de confiance dans les intentions bienfaisantes, dans la sagesse et la bonté paternelle de sa Majesté et dans la prudente délibération de la prochaine assemblée des Etats Généraux, assure à jamais à sa Majesté la vive reconnaissance, le tendre amour et les bénédictions de ses fidèles sujets. "
Mais par ailleurs, ils se plaignent de la lourdeur de la fiscalité royale : " l'impôt de la taille ajouté aux levées de milice, logement des troupes, capitations est une charge bien pesante pour le peuple " on y lit plus loin " la gabelle surtout est un impôt qui fatigue, vexe et désole la campagne. " Pour les impôts du roi les habitants de Bertangles : " demandent instamment l'adoucissement ou même, s'il est possible, la suppression et le remplacement par quelqu'imposition générale . " Par ailleurs ils font état du mauvais entretien des petits chemins ruraux et écrivent : " que les chemins vicinaux de la province si nécessaires à la circulation des denrées, sont presque partout dans le plus mauvais état et souvent impraticables, et que tous les habitants des campagnes sont hors d'état de pourvoir suffire seuls à leur réparation et entretien. " et ajoutent que " l'entretien des routes qui incombe aux campagnards profite plus aux citadins. " Enfin les rédacteurs du cahier déplorent : " pour les épidémies le défaut de chirurgiens instruits. "

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Manouvriers et Laboureurs

Les manouvriers et laboureurs

Nous trouvons ensuit dans la hiérarchie locale, les laboureurs qui sont comme nous l'avons vu dans la période du 18éme siècle, les intermédiaires entre les propriétaires fonciers et les manouvriers. Ils louent les terres et sont possesseurs des animaux de trait et des outils agricoles permettant le travail de la terre. Ils ont des vaches et des moutons et emploient des salariés (valets et servantes à la ferme) pour les travaux des champs ils utilisent occasionnellement des manouvriers. Ces laboureurs représentent environ 10% de la population villageoise, ils sont un peu plus de 30 sujets à Bertangles. C'est parmi eux que seront désignés les premiers responsables locaux (députés électeurs au Tiers Etat, maire, et délégués ou élus dans les conseils). Nous trouvons les noms de Noël LANGLET, Jean BERNARD, Louis et Jean-Baptiste CARETTE, Louis MOIGNET. C'est l'amorce d'une bourgeoisie rurale qui progressivement prendra le pouvoir politique au cours du 19éme siècle.


Le Meunier et le Curé

Le Château

Le premier maire de la commune.

A Bertangles, comme dans les autres municipalités rurales, les délibérations de nature politique sont très rares et les responsables communaux se préoccupent surtout des problèmes locaux et particulièrement ceux de subsistance, de voirie et d'ordre public. Jusqu'à la fin de l'année 1792 les registres d'état civil sont tenus par le curé l'Abbé Manot qui émigre au mois de septembre ; c'est seulement à Noël 1792 qu'un officier d'état civil est élu par le conseil (8 voix sur 10) il s'appelle Jean-Baptiste TAVERNIER fils il restera en fonction jusqu'en juin 1795.

L’Officier

D’ Etat Civil.

En janvier 1791, Charles- Louis- Joseph de CLERMONT TONNERRE décède au château à l'age de 71 ans. Son fils Charles- Louis- Nicolas devient seigneur de Bertangles à l'age de 41 ans, il n'émigrera pas et restera dans son château pendant toute la période révolutionnaire avec son épouse Victorine- Césarine d'ESTOURNEL et ses 2 enfants Louis et Amédée- Marie, né en 1781.

Le soir du 30 janvier 1791, Mgr de MACHAULT, évêque d'Amiens sur le chemin de l'émigration passe deux nuits au château de Bertangles et en repart le 1er février au matin en direction de Tournai. Quelques mois plus tard, c'est Emmanuel de ROHAN, grand maître de l'ordre de Malte et futur évêque d'Arras qui séjournera clandestinement au château.


1791 au château de Bertangles

Constitution civile du clergé

Un décret du 12 juillet 1790 de l'Assemblée constituante instaure une nouvelle organisation du clergé, c'est la " Constitution civile du clergé ". Il sera suivit, le 27 novembre de la même année de l'obligation pour les prêtres de prêter serment civique à cette constitution. Devant cette exigence l'abbé MANOT prononce le 6 février 1791 à haute voix en présence des édits municipaux et de la population dans l'église paroissiale, un serment restrictif. Ce serment n'est pas valide et le curé âgé de 62 ans est obligé d'émigrer sous peine de déportation prévue par un décret du 27 mai 1792. Il quitte, donc, Bertangles sous la qualification de " déporté volontaire sexagénaire " le 10 septembre 1792 muni d'un passeport délivré par la municipalité et émigre en Flandre, aux Provinces Unies puis en Prusse. Il est arrêté le 16 juin 1795 en Belgique devenue française, après 7 mois de prison il est renvoyé sous escorte à Amiens pour être jugé en février 1796. Au cours de son procès, la commune de Bertangles rédige un certificat de bonne conduite attestant que : " MANOT s'est toujours bien comporté en parfait honnête homme et bon républicain. " Ce document est signé par le maire, l'adjoint et 37 villageois. Son acquittement est demandé par l'administration départementale, mais malgré cela il est condamné le 4 mars 1796 par le tribunal criminel à " être reconduit à la frontière par la gendarmerie et au bannissement perpétuel du territoire de la République. " A-t-il été réellement banni de France ? C'est peu probable car en 1801 il meurt à Bertangles où il était redevenu curé légitime de la paroisse !
Après son départ en 1792 il avait été remplacé par un curé constitutionnel
Jean-Louis LEROY qui quittera la fonction ecclésiastique en 1794 et ne sera pas officiellement remplacé avant le retour clandestin de l'abbé MANOT. A sa mort en 1801 c'est un prêtre réfractaire, ancien émigré mais soumis au Consulat, qui lui succèdera jusqu'à sa mort en 1836. Les modestes biens de l'abbé Manot ont été vendus après son départ en exil (meubles, livres et 58 verges de terre) quant au presbytère propriété du clergé il fut céder à un marchand de tabac d'Amiens.

Charles- Louis- Nicolas CLERMONT TONNERRE reste donc à Bertangles et vît avec sa famille au château et ses contacts avec les habitants du village sont sans problème et ceux-ci sont même prêts à le défendre des menaces faites par les révolutionnaires amiénois. Pendant les années difficiles, il est même gratifié du nom révolutionnaire de " citoyen ". En 1793, lors de la Terreur, les villageois s'opposent à un groupe venu d'Amiens pour arrêter la famille seigneuriale sur les instructions du Comité de Salut Public. Devant cette résistance locale inattendue, un compromis original est adopté : les sans-culottes préservent la personne du seigneur mais coupent solennellement les têtes des 2 lions décorant les piliers dans le parc du château. Jetées dans les fossés les deux têtes de pierre seront remises à leur place après thermidor. Les révolutionnaires martèlent également les armoiries familiales sculptées sur la vielle porte en grés de l'ancien manoir.

La Terreur à Bertangles

A partir du mois de septembre 1793 le conventionnel André DUMONT applique très étroitement les décisions du gouvernement et dés son arrivée à Amiens, il dissout le directoire du département, il terrorise verbalement ses adversaires et multiplie les arrestations des suspects contre-révolutionnaires. Un comité de surveillance est installé à Villers-Bocage avec mission policière de chasse aux suspects, pouvoir que lui donne une loi du 4 décembre 1793, son président est un certain François BOITELLE.

En février 1794, Charles- Louis- Nicolas est arrêté ainsi que son épouse car il héberge son beau-frère Louis- Marie- Auguste d'ESTOURNEL, celui-ci est dénoncé comme " suspect et ennemi de la république. Sont arrêtés également le fils de ce dernier Rembold âgé de 15 ans et les 2 enfants de Charles- Louis. Ceux-ci ainsi que leur mère seront vite relâchés. Charles- Louis- Nicolas sera remis à son valet Emery Charton le 8 avril 1794 pour raison de santé. Son beau-frère ne retrouvera sa liberté que le 5 novembre.


Par ailleurs DUMONT est un anticlérical véhément et accentue des mesures de déchristianisation. Des églises sont fermées, désaffectées, vouées au pillage et au vandalisme. A Bertangles se ne fut pas le cas, peut-être grâce à la bonne entente entre le village et le château ainsi que la modération de la population. Seulement pendant l'hiver 1793-1794 un inventaire est effectué et des objets de culte sont emportés pour être vendus aux enchères. Il s'agit de : 8 chasubles, 2 soutanes d'enfants de chœur, 3 voiles, 2 aubes, 2 surplis, 4 nappes d'autel, une nappe de communion, 3 cordons d'autel et plusieurs lavabos purificatoires. D'après les archives, aucun dégât matériel n'a été commis dans l'église.
Quant aux cloches, elles subirent le sort de beaucoup d'autres et finirent en canon après avoir été envoyées dans une fonderie de Lille en 1792 et ne furent remplacées qu'au cours du 19éme siècle. (voir la rubrique " église ").A Bertangles, comme ailleurs, les essais de déchristianisation furent un échec et ont provoqué l'indifférence et même l'hostilité des villageois.


Déchristianisation

Après la chute de ROBESPIERRE et la fin de la terreur, le calme revient dans la région comme dans tout le reste de la France. Dumont est rappelé à Paris, des émigrés rentrent et le catholicisme renaît avec le retour de certains prêtres déportés. L'administration est réorganisée et une nouvelle constitution est officiellement proclamée le 1er vendémiaire an III (23 septembre 1795). Une municipalité cantonale est créée à Villers-Bocage et chaque commune y est représentée par 1 agent et 1 adjoint, pour Bertangles l'agent est Louis MOIGNET et l'adjoint est Jean-Baptiste CARETTE. Cette municipalité cantonale se substitue aux municipalités communales. Ses compétences s'étendent à la répartition des impôts, à la sécurité des biens et des personnes, des problèmes sanitaires et de salubrité publique et à l'organisation des fêtes. Cette municipalité de canton a fonctionné d'une façon assez difficile, au début elle se réunit rarement en 53 mois d'existence, elle tient 152 séances soit environ 3 réunions mensuelles en moyenne mais a de gros problèmes avec le recrutement et la compétence de ses membres. En juillet 1798, l'agent de Bertangles est accusé d'avoir détourné une somme de 900 F destinée au canton et qu'il a partagée avec les agents de Montonvillers, de Vaux et de Villers-Bocage. Les 3 agents indélicats sont traduits en justice.
La municipalité cantonale ne survivra sous le Consulat et tiendra sa dernière séance le 20 avril 1800.


La Municipalité Contonale

Bien que la Révolution ait rendu obligatoire et gratuite l'école primaire pour les enfants de 6 à 8 ans, rien n'a été organisé à Bertangles où il n'y a ni instituteur, ni école de 1789 à 1795. Ce sera seulement en février 1796 qu'une école sera prévue pour 3 communes : Coisy, Bertangles et Poulainville. Elle ouvrira dans le presbytère de Coisy et l'instituteur désigné sera Basile DARQUET. Par le décret du 25 octobre 1795, l'enseignement n'est plus gratuit et l'instituteur est payé par les parents des élèves, de ce fait l'enseignement perd son caractère obligatoire qui avait été institué en 1790, seuls les indigents bénéficient de la gratuité. Basile DARQUET restera en fonction jusqu'en 1809 et sera fort estimé de la population pour sa compétence.


Les débuts de l’école publique

Cet historique de la période révolutionnaire a été réalisé grâce aux  archives départementales et par le livre de Ch. MANABLE : " La Révolution Tranquille. "CRDP Amiens 1988.


Daniel Bailly (1929-2022)